A. Cova (éds.): Histoire comparée des femmes

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Titel
Histoire comparée des femmes. Nouvelles approches. Avec une préface de Françoise Thébaud et avec les contributions d’Ann Taylor Allen, Bonnie S. Anderson, Karen Offen, Susan Pedersen, traduites par Geneviève Knibiehler


Herausgeber
Cova, Anne
Erschienen
Lyon 2009: ENS editions
Anzahl Seiten
158 p.
Preis
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Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Nadine Boucherin

Cette histoire comparée des femmes est le résultat d’un atelier intitulé «Comment écrire une histoire comparée des femmes?» qui s’est tenu à Lisbonne en mai 2001. Quatre grandes historiennes américaines, qui se sont toutes intéressées à l’histoire des pays européens, ont accepté de relever le défi de répondre à cette question sous la forme d’égo-histoires intellectuelles. Le titre de l’ouvrage suggère une double nécessité: comparer et se concentrer sur l’histoire des femmes. Dans son introduction, Anne Cova énumère les objectifs que poursuit le recueil. D’abord, il s’agit d’analyser l’écriture de l’histoire comparée des femmes au fil de ses développements successifs. Ainsi, les auteures évoquent les questions fondamentales concernant les sources, les entités comparées, les catégorisations/définitions/typologies, les similitudes et les différences. K. Offen, Bonnie S. Anderson et Ann Taylor Allen insistent sur l’importance de la transmission des savoirs aux générations futures. Enfin, les quatre essais montrent les possibilités de l’histoire comparée des femmes en analysant les réalisations passées et les projets d’avenir. Anne Cova remarque que la perspective comparative en histoire est récente et limitée. En effet, d’une part, nombre d’historiens sont rétifs à une histoire comparative, car ils se considèrent comme spécialistes d’un seul pays. D’autre part, certains champs de la recherche historique se prêtent mieux à l’histoire comparative que d’autres. C’est particulièrement vrai pour l’histoire sociale et politique, ainsi que pour l’histoire culturelle. Ainsi, le thème de l’Etat-providence est celui qui a recueilli le plus d’attention des historiennes, dans une perspective comparative et genrée. Allen reconnaît une affinité toute particulière entre l’histoire des femmes et la méthode comparative. Or, «le tournant comparatif» (Pedersen, p. 119) semble être abandonné au profit d’une histoire transnationale. L’intérêt essentiel, néanmoins, des études comparatives est qu’elles posent des questions différentes et souvent nouvelles que n’auraient pas soulevées des études consacrées à des cas uniques. Elles permettent également de reconnaître les ressemblances et les différences «qui seules peuvent nous dire s’il nous sera possible de vivre ensemble de manière harmonieuse et productive au long du siècle à venir» (Anderson, p. 82). Les dimensions comparatives sont multiples: elles peuvent être temporelle, spatiale, thématique et disciplinaire, sans pour autant négliger la contextualisation, les particularités nationales et locales. L’analyse comparative aide également à distinguer l’essentiel de l’accessoire. Malgré les avantages évidents de la méthode comparative, elle entraîne un certain nombre de problèmes. Allen remarque que «l’observation d’événements et de processus historiques dans un contexte comparatif ou transnational tend à les ‘aplanir’ ou à les homogénéiser parce que l’on néglige les subtilités et les nuances spécifiques à une certaine époque, à un certain lieu, à une certaine culture» (p. 42). Par conséquent, l’historienne comparatiste est confrontée au danger de ne pas saisir les nuances et d’effectuer des généralisations inappropriées. Les sources peuvent également poser des problèmes dans la mesure où certains aspects sont bien documentés dans un endroit et alors qu’ils ne sont même pas mentionnés dans un autre. Ainsi, Anne Cova remarque que plus les cas sont nombreux, moins l’on disposera de sources primaires, et plus l’on recourra aux sources secondaires. Finalement, l’historienne comparatiste produit des interprétations mono- ou bi-causales, alors que l’historienne qui se consacre à un seul pays est susceptible de fournir de meilleures explications en examinant de multiples facteurs internes.

Malgré les difficultés évidentes de l’histoire comparative, ce recueil d’égo-histoires transmet l’intérêt et le plaisir ressentis par les auteures dans l’histoire comparée des femmes, et dont le mérite est de plaider en faveur d’une méthode et de thèmes mal aimés des historiennes et des historiens.

L’égo-histoire de Karen Offen s’ouvre sur sa définition du féminisme et de ses prémisses essentielles pour écrire l’histoire des féminismes, dont l’objectif est de rétablir le débat dans l’exposé historique. Dans son ouvrage, co-édité avec Susan Groag Bell (1983), Women, the Family end Freedom: The Debate in Documents, 1750–1950, Offen cherche à démontrer que l’histoire des féminismes en Europe est partie intégrante de l’histoire de toutes les sociétés européennes. Bien plus que comme discipline universitaire, l’histoire des femmes est primordiale «en tant qu’héritage à laisser aux jeunes» (p. 64). La connaissance de cette histoire devrait permettre de construire un monde meilleur.

Bonnie S. Anderson estime que son ouvrage, Joyous Greetings: The First International Women’s Movement (2000) sur le féminisme international plaide en faveur de sa prise en considération pleine et entière afin de promouvoir une meilleure compréhension de l’histoire en général. Mais elle met aussi en exergue l’importance de l’histoire internationale et comparée qui nous permet de découvrir nos différences et nos ressemblances.

Ann Taylor Allen estime que la méthode comparative répond «au défi de transmettre tout un éventail d’informations en un temps réduit» (p. 104), car elle éclaire nettement les différences nationales pour une meilleure compréhension des histoires. Allen consacre une attention toute particulière aux problèmes de traduction qu’elle rencontra lors de son étude consacrée au féminisme et à la maternité, Feminism and Motherhood in Germany, 1800–1914 (1991).

Susan Pedersen découvre une affinité toute particulière entre la méthode comparative et l’histoire des femmes. En effet, tout en énumérant les avantages et les inconvénients de l’histoire comparative, Pedersen estime que l’histoire des femmes ne peut s’en passer. Pedersen reconnaît cependant que les auteures dédiées à cette histoire abandonnent le «‘tournant’ de la comparaison» (p. 19) pour se concentrer sur l’histoire supranationale.

Citation:
Nadine Boucherin: compte rendu de: Anne Cova (sous la dir.): Histoire comparée des femmes. Nouvelles approches. Avec une préface de Françoise Thébaud et avec les contributions d’Ann Taylor Allen, Bonnie S. Anderson, Karen Offen, Susan Pedersen, traduites par Geneviève Knibiehler. Lyon, ENS Éditions, 2009. Première publication dans: Revue Suisse d’Histoire, Vol. 59 Nr. 4, 2009, p. 483-485.

Redaktion
Veröffentlicht am
31.01.2012
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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